C'est incroyablement débile ces parades
Que ces couples béats d'amoureux garantis
Font toute la journée à grands coups d'embrassades !
Ce qu'ils peuvent avoir l'air con ces abrutis !
Si l'un d'eux lâche un pet ils s'en rendent malades,
Si l'un d'eux a le rhume ils sont anéantis !
Ces apprentis foireux, acteurs de pacotille,
Jurent fidélité, se regardant toujours
(Même en bavant parfois) le blanc de l'œil qui brille
Avec des mots naïfs et des gestes glamours ;
"Paix des religions", "le monde est en famille"...
Ils tiennent à peu près tous le même discours.
Il faut se les farcir au cours d'une soirée
Où, pas une minute et sans même être soûls,
Ils ne sortent cette arme unique et préférée
Où l'un des deux lurons s'assoit sur les genoux
De l'autre, et tel un rat réclamant sa denrée,
Geigne, couine et gémit : "bisous, bisous, bisous..."
Si jamais l'un s'endort, l'autre feint la fatigue
Car cette paire en or ne se décolle pas !
Ils dorment aussi bien qu'une vague navigue ;
Au jour on les retrouve enroulés sous les draps,
Souriant, excessifs, dans le nid qui les ligue,
Le damoiseau tenant sa belle dans les bras.
Un supplice de plus quand le couple déjeune :
"Le beurre mon amour", " le lait mon petit cœur" ;
"Tu m'aimes ?" "Oui, je t'aime." Ah bravo, ça c'est jeune !
Encore, on est chanceux, elle est de bonne humeur !
Sinon on était bon pour que la reine jeûne
Et que son tendre et cher raisonne son aigreur !
*
Les tourtereaux, nichés dans leur branche florale,
Se veulent très gentils, comblés et tolérants ;
A merveille ils refont l'image conjugale
Pour le plus grand plaisir des quatre beaux-parents ;
"C'est le gendre parfait", "c'est la brue idéale",
Des promesses sans fins, des propos atterrants...
Pour plaire à sa compagne, et ne point qu'il la perde,
Monsieur cuisine classe et fait dans le cocon
Des gazouillis pareils à ceux d'une saperde ;
Ils s'offrent, rougissant, des cadeaux à la con,
Terminent le dessert par des blagues de merde
Et s'en vont regarder la nuit sur le balcon.
Quand il rentre le soir, le sol sent la lessive :
Le duplex est nickel (merci les deux papas !).
Il est très attentif, elle est très attentive :
Elle a faim, il accourt préparer le repas ;
Il mendie un baiser, elle est compréhensive ;
Ensemble ils lèvent table et vont laver les plats.
Les achats de Noël sont à des prix sévères
Car pour le réveillon, il fait bon s'afficher !
L'appartement est chic et riche de mystères :
La photo du chien-chien dans la chambre à coucher
Et pour sacrer le tout, les portraits des grands-mères :
L'une en train de dormir, l'autre en train de loucher !
Le ménage est content de vivre dans sa bulle !
Lorsque le fil de fer a peur de trop grossir,
Il dit "je t'aime". Elle a les yeux sur la pendule
Car c'est bien avec lui qu'elle se voit vieillir
Même si quelquefois il laisse un point-virgule
Devant lequel Chouchou risque de défaillir.
Les études, bientôt, vont être réussies :
Il sera dans la pub, elle dans le fiscal.
Ils font pour le futur des tas de prophéties,
Gardent contact avec les gens du médical
Pour, en cas de bobos ou de péripéties,
Compter et rebondir sur le cercle amical.
*
Ce qui ronge les nerfs quand on voit ce théâtre,
C'est que ces spécimens de la perfection
Ne peuvent s'empêcher ce manège folâtre
Sous prétexte d'amour trop fort, de passion ;
Le couple se prévoit, le couple s'idolâtre
Et pense ainsi bâtir sa vénération !
Ils sont certains d'avoir leur destin l'un dans l'autre,
S'embrassent à mourir ; à peine ont-ils vingt ans...
Pendant qu'il se construit leur légende et s'y vautre,
Elle a déjà trouvé le prénom des enfants,
Et prédit pour chacun une gueule d'apôtre :
"Ils seront sages, doux, beaux et reconnaissants..."
Tout ça c'est bien joli pour la prochaine épouse
Mais le plus casse-pieds chez ce couple neuneu,
C'est que ces deux fleurons imitant la ventouse
Et s'insurgeant devant une trace de pneu,
Sont du genre à tomber dans la fierté jalouse
Qui, de ces couples-là, fait des têtes de nœud !
Aussi, leur cargaison de très belles paroles
Et leurs "bisous, bisous" plus agaçants qu'un rat,
Sont niais à tel point qu'ils en deviennent drôles
Et l'on serait heureux devant cet apparat
De foutre avec splendeur à ces deux chiffes molles
Un coup de pied au cul direct au débarras !
2-3 Janvier 2007